Dont il faut vivement espérer et souhaiter qu’elle reste provisoire, et bientôt bel et bien enterrée et oubliée, pour le bien de tous, des Espagnols et des Flamands, vraiment ! Pour aider à ce que ce moment arrive, pour l’accélérer, je me suis proposé rédiger et répondre point par point un imaginaire cahier (flamand) de doléances envers l’Espagne et les Espagnols et leur régime politique, celui en vigueur dans l’actualité et celui, franquiste, qui l’a précédé, bien évidemment. Celles qui expliqueraient aisément sans justifier nullement du tout une attitude, une unanimité –au sujet de la Catalogne et de sa mouvance indépendentiste- si anomale, si insolite et si en porte-à-faux, à droite comme à gauche de l’ensemble de l'espectre des partis politiques, en Belgique et en Europe d’ailleurs, dans l’actualité. Il est formulé, ce cahier des doléances, d’après mes connaissances -importantes, aussi limités et incomplètes fussent-elles-, de l´histoire contemporaine de la Belgique, dans son chapitre notamment sur la Seconde Guerre Mondiale, et dans les grilles de lecture qu’offrent à la fois l’histoire du mouvement flamand (Vlaamse Beweging) d’une part, et de l’autre, l’histoire de l’Espagne dans cette période, qui coïncide avec son après-guerre immediate, celle d’un pays qui venait de sortir de trois ans de guerre civile (autrement appelée guerre d’Espagne, de 1936). L’Espagne nous avait laissé en rade une fois de plus -autant dire elle leur avait livré aux bourreaux, au supplice et a la torture- sous-entendu, comme il y a trois siècles (lors des guerres de religion)-, la plainte (de racine indéniablement protestante, de guerre de religion) qui faisait surface une et autre fois et arrivait à mes oreilles attentives dès bouches flamandes, ou à mes yeux quelque peu éberlués en le lisant le temps de mon séjour ici surtout dans certains textes des pères fondateurs du nationalisme flamand, en sa version actuelle, dans les mémoires de Wies Moes, par exemple,. Ce qui est vrai et faux à la fois -le fond de cette plainte je veux dire-, absolument. L’Espagne, par l’entremise de Franco et de son régime, aurait-elle pu faire plus –grâce à la neutralité officieuse qu’elle réussit a garder tout au long du conflit- pour les nationalistes flamands, livrés en 45, toutes les tendances confondues parmi les groupes qui furent dans la Collaboration, à une répression cruelle et impitoyable ? La question se pose. Comme elle se posa dans le cas de Pierre Laval que Franco, soumis aux furieuses pressions qu’on peut imaginer, finit par livrer aux Alliés qui lui réservèrent le sort que l’on connait. Et la question se pose en exclusive, bien évidemment, dans le cas, non pas de ceux qui cherchèrent (avec succès) leur refuge en Espagne, peu nombreux d’ailleurs, mais dans ceux qui ne le tentèrent pas, parce qu’ils ne voulurent ou parce qu’ils ne le pensèrent même pas. À qui la faute ? À ce conflit irrésolu de mémoires qui –a mon humble avis- faisait barrage encore en ce moment chez beaucoup de Flamands, -hier comme aujourd’hui hélas- concernant ce que certains historiens appellent (pudiquement) le régime espagnol, autant dire les Pays-Bas catholiques (autant dire Espagnols) ?
Et je pense a Wies Moes, nommé précédemment, et c’est par la passion voire la phobie anti-espagnole ou hispanophobie carrément, dont suintent ses écrits tardifs (voir photo, ci-bas) dans son exil hollandais-, mais surtout à celui qui peut être considéré la figure la plus emblématique et représentative des victimes de la répression en 45 du nationalisme flamand, celle d’Auguste Borms, Il choisit à ses risques et périls de se réfugier à la fin de la guerre en Allemagne, au lieu de s’en aller jusqu’en Espagne comme le fit Leon Degrelle. Ou comme René Lagrou (De Vlag) Pour quoi ne le fit-il pas ? On peut se le demander, et on ne trouve réponse ma foi que dans ce conflit de mémoires et le nuage de tabous épais, intouchables, qui vont de pair et qui leur empêchaient comme un interdit inviolable de chercher leur salut chez les Espagnols. Et un détail très divulgué de la vie du célèbre incivique abonde dans ce sens suffisamment, en effet, et ce fut son séjour au Pérou tout jeune chez les Amérindiens et son militantisme (enflammé) pour la langue native (le quechua) qu’il jugeait –comme ses dévots jugent aujourd’hui le Catalan- opprimée par les Espagnols. Comme l’offre aussi la fin de parcours de Wiens Moens qui fuyant la répression, chercha et trouva refuge –confortablement, jusqu’à la fin de sa vie- aux Pays-Bas, non pas au Nord mais au Sud de la ligne indélébile de partage laissée par les guerres de religion. Et ce fut à Geleen, dans le Limbourg hollandais catholique, autrement dit dans ce Sud des Pays Bas, « zwarte » autant dire, « roomse », égal à catholique, ou -ce qui là bas revient au même-, à hispanique ou espagnol. Et ce n’était pas tout cela évidemment, tous ces tics historiques –comme une seconde nature chez eux- qui auraient poussé ou prédisposé psychologiquement certains nationalistes flamands bourrés de préjugés à se sauver en Espagne le moment venu de la fin de la guerre et du début de la répression. Conflit susjacent de mémoires donc, sur un passé commun plus ou moins récent, remontant aux guerres de religion ou, beaucoup plus près, à la guerre civile espagnole.
Exception et anomalie insolite en effet celle qu’offrirent les Flamands alors (en 1936), de par l’attitude de royale indifférence de leur opinion publique –majoritairement catholique, de droite- devant un conflit qui embrassaient les passions à droite comme à gauche et attirait l’attention de la planète entière (...), et peut-être plus outrageant de par l’afflux important –ce que ne fut nullement le cas coté francophone- des volontaires flamands dans un seul (nota bene) des deux camps en lice –celui des rouges/républicains- dans la guerre civile (et les chiffres disponibles -des milliers- ne sont que fort illustratives et révélatrices à ce sujet) Et dans un cadre de belligérance et de partie pris pareil, n’est-il pas aisé d’expliquer sinon de justifier, l’inhibition du régime espagnol, se désintéressant du sort des Flamands en 45, plus exactement de ses nationalistes, dont certains–aussi bien dans le Vlaams Belang que dans la N-VA-, d’après ce que l’on serait tenté de penser, veulent régler en Catalogne aujourd’hui leurs comptes?
Mais le cas le plus pathétique et illustratif de ce conflit (irrésolu) de mémoires l’offre à ma connaissance un personnnage de Hugo Claus dans son roman « Het verdriet van Belgique », chez qui, dans une édition bilingue j’avais débuté mon aprentissage du néerlandais. Et c’est Marnix De Puydt, « prins der Westvlaamse letters », personnage de fiction derrière qui –dans l’opinion unanime des commentateurs- se cache la figure de Willem Putman, personnage emblématique de l’aile radicale (De Vlag) de la Collaboration (culturelle) en Flandres. Il détestait lui aussi le passé espagnol d’Amérique –comme le pape François d’ailleurs- ce qui lui fait lancer dans l’un des passages du roman, des imprécations et des malédictions contre Diego De Landa, missionnaire espagnol et inquisiteur, et figure du plus haut relief en outre de l’Histoire d’Espagne en Amérique qui trainait la (mauvaise) réputation –voire la légende (en noir)- d’avoir livré aux flammes le livres (sacrés) de la Tradition indigène (maya). L’ambiance qui entourait Marnix nonobstant, prénom emblématique (de protestant pro/hollandais, anti/espagnol) soit dit en passant, tel qu’elle se dégage de photos (rétrospectives) de lui prises après la guerre, la coiffe –représentative et emblématique au plus haut point en effet- de sa tante nonne par exemple, l´était sans doute de la Flandre d’alors, mais elle aurait pu être néanmoins difficilement retrouvée ailleurs que dans l’Espagne (catholique) si honnie dans la légende- de cette époque, et d’autres rapprochées, et j’en témoigne ma foi, car c’était celle de mon enfance (fin des années quarante, début des cinquante) Ce n’est qu’un parmi nombre d’exemples (symptomatiques oh combien ! tout de même) de ce que je prétends dire ici. « L´Histoire, un certain nombre d’années passées, devient Littérature », écrivait un auteur espagnol. Francisco Umbral. Elle ne perd pas pour autant la cruauté, le coté lugubre et macabre même, du réel et du vécu. Et ce passage terrifiant –douloureux, lancinant- du roman de Hugo Claus ne me laisse pas insensible loin de lá, celui de la mort de l’un des fils jumeaux de Marnix/Putman qui fuyant les bombardements hors du couvent de bonnes sœurs où son père les croyaient sûrs –cibles `privilégiés au contraire de l’aviation alliée, en tant que catholiques (...)-, en proie à la panique, il est retrouvé plus tard sans vie, en pleine campagne, son corps entamé par les rats. Mémoire historique déchirante –jusqu’au flot de larmes (ce fut, c’est mon cas devant ce passage, chaque foi que je le lis) - « heureuse » et malheureuse en même temps –pour paraphraser le langage des philosophes (Paul Ricoeur notamment)-, savoir, celle des bombardements sauvages alliés des villes et des villages flamands au nom ou pour compte de la Démocratie.
Et cela fut scrupuleusement ignoré ou passé sous silence, c’est vrai, dans l’Espagne d’alors, suivant a ne pas en douter, des consignes strictes de la propagande officielle du régime d’alors et moi même je n’eus connaissance que dès mon arrivée en Belgique, sans pouvoir complétement me départir jusqu’à aujourd’hui d’un accablant sentiment de culpabilité (collective) Tout cela est vrai, mais quoi dire alors des autres pays européens, quoi dire de la France, de la France de la Collaboration? Je ne crois pas que beaucoup des voix –même pas une a peine ?- se levèrent alors brisant le silence là dessus. Les Corses, les Bretons, les Alsaciens et les Lorrains (indépendantistes) également -pour quoi pas?- ne méritent-ils pas d'ailleurs les mêmes égards, le même souci et intérêt, la même empathie et solidarité que les Catalans -hands off catalonie (!)- chez les nationalistes flamands? Pour quoi pas?
Ou les Flamands français pour ne pas aller si loin? Et les mêmes interrogation me rongeaient regardant le vidéo du discours à Verdun ´triomphaliste, chauvin- de Marine Le Pen dans le Centenaire de l’Armistice, et de la victoire française- a la fin duquel fut chantée la Marseillaise par tous les assistants. Présents à la tribune, l'un des principaux vétérans et dirigeants du Vlaams Belang, Gerolf Annemans, et à son coté, Tom Van Grieken, le jeune président du parti dans l’actualité. Ils entendirent sans doute comme moi le vivat qui clôtura le discours de Marine Le Pen à « l’Europe des Nations européens ». C’est tout cela d’ailleurs que j’avais essayé de faire comprendre, en lettre ouverte sur mon blog (en espagnol) a Me Paul Beckaert –avocat attitré de terroristes de l'ETA, Flamand, de Bruges- qui avait eu le culot –au comble de l’absurdité et du délire en effet- d’évoquer les bombardements alliés des villes flamandes pour justifier son soutien au terrorisme basque (!) La faute aussi, ces bombardements alliés, a Franco ou au Duc d’Albe ?
Et je me permet de nommer ce personnage historique, repoussoir de la mémoire de l’État belge et pari passu du nationalisme flamand –vénéré tout de même encore aujourd’hui chez les Espagnols- , car il apparaissait mentionné dans une autre de mes lectures où j’entamai l’apprentissage du flamand en arrivant en Belgique, et c’était de la plume de l’un des fondateurs du Vlaams Belang, Karel Dillen, qui parmi toute une série de témoignages autobiographiques recueillis dans le petit livre –aujourd’hui certainement introuvable- « Liefdesbreven aan Antwerpen », compare le duc espagnol à Ganshof van der Meersch, procureur à la Cour belge de Cassation et figure emblématique de la répression contre les « inciviques », en 45. « Albe de la répression » ("De Alva van de repressie") l’appelle-t-il. Du pur anachronisme historique, déroutant en extrême, c’est vrai. Etait-il, Ganshof van der Mersch, pour autant "spanjool", lui aussi ? En raison de la Damnatio Memoriae, peut-on justement se demander.
Mais arrêtons cette galerie de quiproquos ou malentendus historiques, entre l’Espagne et la Belgique, entre Espagnols et Belges, surtout –comble de la douleur et du malheur!- des Belges Flamands. Un témoignage -ces lignes- peu crédible ou compromis du moins par la personnalité de son auteur? D’un curé défroque, j’entends déjà les opposants.
Car, c’est la toile de fond religieuse indéniable qui gravite sur ce malentendu. En Espagne on nous racontait depuis tout jeunes que les mères de famille flamandes -des pieuses catholiques par dessus le marché- menaçaient leurs gosses s’ils ne restaient pas sages, après avoir écouté pieusement peut-on supposer, la prêche de leurs curés, du retour du Duc d’Albe (...)
Et ce même fantôme de malentendu (historique) se dressait dans les photos de famille de mon ordination sacerdotale, à Ecône –le séminaire traditionaliste de Monseigneur Lefebvre- où dans toutes ou presque apparaissait étrangement un auto/invité si on peut l’appeler ainsi, parfaitement étranger (lui le seul) à mon entourage familial, aux yeux étrangement curieux et attentifs aussi, un Belge justement, que plus tard lors de mon arrivée ici je reconnus parmi les fondateurs et dirigeants –dans l’ombre- de la principale formation d’extrême droite (soi-disant), francophone, et dont on m’apprit aussi par la suite, à ma grande surprise, qu'en 45 il faisait partie de la justice militaire (s’il vous plaît), aux moments les plus accrus de la répression (anti-inciviques)
Alibi à point nommé –en politique ou ailleurs- le traditionalisme catholique (français), partout ailleurs mais surtout en Belgique, aussi bien du coté wallon que du coté flamand ?À l’heure surtout de permettre ou de justifier des attaques rusées contre les États/Nations européens? Je laisse la réponse à mes (bons) amis et camarades du Vlaams Belang (ancien Vlaams Blok)
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